Processus théâtral sur les frontières linguistiques et géographiques - partie 3

09. Mai 2018

Du point de vue d'une comédienne.
Un texte de Diane Albasini

Musique.
La musique n’a pas de langues.
Les sons et le rythme suffisent.
Moment détente avec Thomas.
Thomas habite à Vienne.
Thomas parle et écrit en allemand.
C’est un auteur. Un des premiers que je rencontre.
Thomas comprend et parle un peu le français.
Sans doute mieux que moi l’allemand d’ailleurs.
Pourtant, j’essaie encore de m’exprimer en allemand quand je veux lui parler.
Pourquoi tenter de m’extirper dans sa langue plutôt que d’assumer l’incompréhension possible dans la mienne?
Un sentiment qui revient souvent pendant les répétitions avec la BDZ.
Essayer d’aller vers l’autre plutôt que d’attendre qu’ils viennent à moi?
Peur de ne pas être entendue ?

Silence.
Le silence n’a pas de langues.
Les regards suffisent.
Les regards de Frank et de Bernhard.
Frank est allemand.
Bernhard est Suisse-allemand.
Des yeux bleus et marrons qui me rassurent sur le plateau.
Parfois à ce moment-là, j’oublie que je ne parle pas leur langue.
Parfois, je me sens si incomprise et seule que j’ai envie de fuir.
Si je suis honnête, laquelle des deux situations je vis le plus souvent en répétition?

Rires.
Les rires n’ont pas de langues.
Celui de Damien qui embrase tout un groupe.
Celui de Carole que je traduis souvent par une connivence spéciale.
Je traduis donc dans ma propre langue.
Il n y a donc aucune compréhension totale possible entre deux individus?

Toucher.
Le toucher n a pas de langues.
Les câlins de Bernadette et Anouk.
L’énergie physique partagée ne nécessite que deux corps au même endroit au même moment.
Une pulsion et deux corps.

Absences.
Les absences n’ont pas de langues.
Aujourd’hui, Sarah et Andrea ne sont pas avec la BDZ.
Les absences nourrissent des incompréhensions et les évitent en même temps.
Je préfère donc les absences ou les présences gênantes ?